dimanche 28 décembre 2014

Cosmique soliloque (?)




l’Esprit se parle à lui-même
et de ce monologue s’élève parfois une musique
qui ravit l’Univers

samedi 20 décembre 2014

Où s’arrête la franchise

à la lueur des mots silencieux
détournés
engloutis par cette veulerie :
plaire

une rancune palpite en secret
les figures immobiles nous le disent
une rancune s’agite
engloutie
par cette misère :
plaire

vendredi 12 décembre 2014

Celui ou celle




celui qui
en dépit de tout
rêve l’absolu
de la nuit

celui qui engage son être
celui qui contre tout
celui qui pense la nuit

celui qui
contre la nuit
engage tout
celui qui
pense son être

samedi 6 décembre 2014

Tableau plus ou moins champêtre

Quelques paysans attablés autour de gros sourcils et des habits...

Il écouta une assez longue conversation entre un petit homme autoritaire transformé en réponse désagréable et une main craintive ou négligente. Il fut dérangé par une femme étendue dans un fauteuil au fond d’un jardin.

Il s’approcha (toujours à distance), l’oreille plus nette qu’auparavant. À la pointe d’un mince sourire, la vie montait de la dormeuse. Bien que le devoir eût exigé qu’il l’examinât, il craignit de chasser le sourire…

Pour éviter le choc, il replongea un peu plus loin, sans se retourner.

Au fond d’une ruelle abrupte, enfermé dans un ciel bleu, son menton aplati contre sa poitrine tel un souvenir fugitif, il ne tarda pas à se justifier à ses yeux renfrognés.

Nul rayon de lumière n’indiquait l’orage.

dimanche 30 novembre 2014

Mutisme fébrile


nous
les fourmillants
nous sommes silencieux
ne sachant pas les mots
où le désir est absent

samedi 22 novembre 2014

Questions existentielles (No 330986-330990b)

Que faut-il faire?
Que peut-on faire?
Accepter même le fait douteux qu’une fois vidées de leur contenu, les grandes idées constituent un excellent glaçage à gâteux?
Ou alors lutter bravement au nom de fringants théorèmes célestes pour la gloire non moins douteuse de se voir adresser le tendre (ou moqueur?) battement de cils de l’Utopie?

samedi 15 novembre 2014

Voix insidieuses

























il y a des paroles dites tout bas
poudres blanches aux yeux babas
des voix mystiques
tendresses chuchotées
frémissements cosmiques
il y a des paroles de velours
de sombres discours
où s’épaississent les sentiments
où se raffinent les tourments

vendredi 7 novembre 2014

Jour gris

Chopin malmène en vain son piano sans parvenir à couvrir le bruit du camion de vidange, tandis que Nietzsche poche un examen de maths après s’être lourdement questionné sur son avenir plus qu’incertain. Pour ma part, au milieu de tout ça, je jette un rapide regard au livreur de circulaires (seul son bras est visible par la fenêtre de mon salon) et, pour je ne sais quel absurde motif, m’obstine à y voir l’insaisissable clef de mon piteux destin.

lundi 3 novembre 2014

Demi-siècle de Mistral

Mistral (et le spectre de Nelligan) dans le bleu de la nuit (des temps)

(Avec gros clin d’œil à Gatsby – rémanence inattendue
d’une improbable game de bowling…)




























_______________________________________________

C’est ma petite contribution à un chaleureux bouquet concocté par Blue - à lire absolument et c’est ICI!

vendredi 31 octobre 2014

Le temps à la dérive

dans l’immensité rien ne bouge
déchéances
dégénérescences
forces avides des profondeurs
dans l’immensité la fange se tait

chaque creux fraîchement dévêtu boit le temps à la dérive

dimanche 26 octobre 2014

Ne pas la poser, c’est aussi y répondre…

La question de savoir si une chose se passe réellement semble, pour nos esprits empreints de pragmatisme (post, hyper ou alter-moderne, je sais plus…), être tombée en complète désuétude. Elle appartient, semble-t-il, à la catégorie des non-sens; elle serait une de ces nombreuses aberrations héritées de la philosophie, cette poussiéreuse arrière-grand-mère de la science. Pourtant, l’acceptation tacite d’un réel A PRIORI n’en conduit pas moins à la création d’un univers étonnamment abstrait – irréel pour tout dire.

samedi 18 octobre 2014

Penser en rond


l’éternel retour
la révolution
la fuite en avant
un monde fini
mais sans limite

d’autres que nous
éprouveront la bêtise
de nos traces

samedi 11 octobre 2014

Trivial égarement

Il faut bien partir de quelque part
Alors voilà

J’étais perdu
Je n’avais pas la moindre idée
De l’endroit où je me trouvais
C’est idiot je sais bien
Mais je m’étais éloigné de la tente
À travers la forêt peuplée d’épinettes noires
Serrées les unes contre les autres
Jetant les fougères dans une nuit diurne incongrue
Je fonçais
Gravissant la pente comme un malade
Pressé de me trouver au plus vite un coin pour chier
Je suais harcelé par les brûlots
Mais j’en suis finalement venu à bout
En remontant mon pantalon il m’a semblé entendre
Parmi les grésillements
Les incessantes rengaines de je ne sais quel foutu piaf
Le souffle rauque d’une bête immonde
J’ai perdu la tête
Je me suis déchiré la peau
À fuir aveuglément le grondement qui gagnait pourtant
Peu à peu
Du terrain
La terreur me rendait fou
De plein fouet j’ai heurté un tronc
Plus un son
Que le rouge sang
Voilant mon regard
Que la douleur irradiante
Mon bras paralysé
Ma clavicule éclatée
Ruisselant
Effondré
Le ciel me narguait entre la ténébreuse masse des aiguilles

Il faut bien partir de quelque part
Alors voilà
Je suis perdu
Je sais bien
C’est idiot

dimanche 5 octobre 2014

Adresse à la Nation (on sait pas laquelle - ni par qui - mais c’est important!)

Nous vivons actuellement, nul ne l’ignore, une situation dramatique. En effet, en ces heures troubles où l’horizon se couvre de la noire perspective d’une rupture de communication étrangement favorisée par l’écran d’une fumée aussi toxique qu’inadmissible, en ces heures troubles, dis-je, je me demande :

Notre nuit interne
Que nous l’appelions « rêve » ou « cruauté »
Devra-t-elle manger la Fatalité?

Et dans l’affirmative, ne serait-il pas prudent de soumettre nos élus à des tests destinés à en évaluer la teneur en toxines? Questions déroutantes, certes, mais combien capitales!!! Car enfin, si nos élus ne sont pas, précisément, notre Fatalité, qui diable le serait? Sans compter que nul ne voudrait se voir empoisonner la nuit interne par l’absorption inconsidérée d’une fatalité douteuse… Ceci m’amène donc, infailliblement, à cette affirmation :

le théâtre de l’esprit
d’un irrationalisme commode
vise à enserrer l’espace codifié
où s’opère la dépossession monumentale
(l’inconscient)
par un acte banal
(la pensée)

– Voilà bien ce que j’appelle un langage d’une lumineuse simplicité et, qui plus est, d’une profonde actualité! – Je ne saurais toutefois vous laisser à la rumination de ces brèves remarques sans citer ce très cher Donatien Globule, dont l’œuvre mystérieusement demeurée méconnue n’en interroge pas moins brillamment les fondements de notre civilisation déclinante, et qui dans un très bel ouvrage intitulé « Traité de continuité générale » affirmait déjà :

S’il est vrai que l’expérience poétique consiste à déchiffrer de façon systématique la trace immotivée de l’arbitraire du signe (inaccessible à toute tradition), il n’est pas moins vrai que la disparition de quelqu’un (quiconque en vérité) renvoie inéluctablement à la fantasmagorie psychologique, renvoyant elle-même, comme chacun sait, au renversement de perspective inhérent à toute transgression.

dimanche 28 septembre 2014

des yeux au plafond

























J’ignorais que j’eusse eu des yeux au plafond, un bras gauche qui bouffait, deux doigts écartés et le sourire crispé de qui aurait la maigreur du musicien en retard sur le rythme.

Pendant mes années de collège, j’avais coutume d’entrer dans une barque pour rejaillir à travers le sol.

Il se peut que tout soit fini.

Que de mensonges dont je n’aurai rien su…

samedi 13 septembre 2014

Incongruité constitutive

Une ombre légère au bout de la rue
Arsenal trahissant la timidité
Un certain âge pâlit sans salir sa genèse

Toujours harcelé par les mêmes problèmes
Vertus pathologiques de l’amour dans le délire
Impertinences des formes couleurs sottes habitudes

L’heure des fantômes des monstres noirs
Mièvrerie gravée dans la plante de l’esprit
Calme et flexible

Et toujours cette même expression
Un pied sale dans une sandale immaculée






(L’art de vieillir ne consisterait-il pas à profiter de ce que l’on s’use pour s’aiguiser?)

dimanche 7 septembre 2014

Irrépressibles badinages

























gorgée d’une goutte de ce blanc vin
l’abondance ruisselle à tes aisselles
je devais fatalement tomber du ciel
ramper sous les hésitations de ta cambrure

cérémonie d’initiation

à la première demande je pique au pied de l’estrade
excroissance fiévreuse doucement exacerbée
en proie à l’envoûtement
buées de philtres effleurant les lèvres
guirlandes badinant sous une lune polluée

je sais qu’à dater de ce jour
je ne cesserai de m’épancher

derrière les fronts têtus
les larmes camées
les hauts talons
mes risques et périls
dédicacés

du jamais vu
depuis toujours
éternellement répété

samedi 30 août 2014

Les gouffres humains

Il y a cette sorte de gens, vous savez : à leur contact, sans que vous puissiez dire au juste pourquoi, voilà que vos sentiments, vos idées, vos enthousiasmes s’enflamment et, brusquement, vous êtes là, exultant devant eux, à étaler ce qui s’agite au plus profond de vous, tremblant de vous livrer autant et aussi peu à la fois, parce qu’aussi maladroitement… Vous découvrez alors que l’insidieux malaise qui vous gagne vient de ce que votre candide dévoilement est aussitôt englouti par une sorte d’attention creuse et fuyante, incapable du moindre écho, sinon une triste pantomime du sentiment et de l’idée.

dimanche 24 août 2014

Encore un (ou deux) expresso de trop!

J’étais là, expresso à la main, à me dénouer lentement les synapses, furetant dans une vieille boîte de livres dans l’espoir vacillant de trouver un titre que j’avais croisé chez le bouquiniste il y avait quelques semaines déjà et qui m’était brusquement revenu à l’esprit. J’étais certain d’avoir eu entre les mains, quelque part au début de la vingtaine, cet ouvrage alors pour moi plein de mystères rationalisés, une espèce de bilan de la recherche scientifique sur le facteur psi, déjà plus très jeune, datant des années 1970 j’imagine, s’appuyant sur des expériences en laboratoire et tout, qui traitait principalement de télépathie, précognition et télékinésie, si mon souvenir est bon... En tout cas, je n’ai finalement pas trouvé le bouquin en question. Mais ça m’a tout de même remis en mémoire un grand questionnement surgi de cette lecture. En fait, outre quelques vagues détails, c’est surtout de ce questionnement dont je me souviens le mieux.

À vrai dire, si ce genre de sujet pouvait exercer sur moi une certaine fascination, en général, je trouvais totalement assommants les discours ésotériques et un peu pathétique ce besoin de pouvoirs paranormaux alors que la plupart des gens n’atteignaient jamais même de très modestes pouvoirs simplement «normaux» – comme juste ne pas avoir à constamment se comporter en abruti en vertu d’une conception de l’existence limitée à un «fais ce que dois» platement réduit à l’assujettissement volontaire à un devoir imposé par personne ne savait qui ou quoi exactement. N’empêche, il n’était pas si difficile de me faire admettre l’éventuelle réalité de phénomènes tels que la télépathie ou la télékinésie (d’autant plus que si les résultats des expériences citées dans le bouquin suggéraient une très forte probabilité à cet égard, cela restait à des degrés tout de même très modestes – on y constatait, pour la télépathie par exemple, des concordances que le hasard seul ne pouvait expliquer, mais on restait tout de même bien loin des fantasmagories où un illuminé lit dans vos pensées comme dans un livre ouvert). Non, le truc qui m’embêtait vraiment, c’était la précognition. Parce que ça, si vraiment c’était possible, pré-voir des événements à venir, alors là, il n’était plus juste question de s’interroger sur le comment de la chose – après tout, dès le moment où il est devenu possible de véhiculer en temps réel des sons et des images, cette idée qu’on puisse percevoir ou agir à distance, par la seule pensée, est devenu, comment dire, moins choquante… Mais la précognition, c’est tout autre chose, ce n’est pas simplement percevoir à distance, mais à travers le temps. Ça concerne des événements qui ne se sont pas encore produits. Ce qui, forcément, fait resurgir le spectre du Destin. 

Car, tout de même, me dira-t-on – et si on me le dit pas, m’en fous, me le dirai moi-même! –, si je peux avoir conscience d’événements qui ne me sont pas encore arrivés, c’est que d’une façon ou d’une autre ils existent déjà, non? Et cette question là, bien sûr, est terriblement embêtante… (Tellement d’ailleurs que, si vous me le permettez, je vais faire une petite pause, histoire de me caféiner un peu avant de poursuivre…)

(Voilà. C’est fait. Merci.)

(Me sens tout guilleret moi maintenant. C’était un double, j’ai peut-être exagéré… Après tout, le sujet impose un ton à la fois docte et posé. Exercices respiratoires pour abaisser un brin le rythme cardiaque et hop! Reprenons tout ça en troquant le «je» pour un «nous» – ça fait plus sérieux paraît-il...)

En vérité, pour qu’on puisse à juste titre parler de destin, il faut qu’il y ait invariabilité des événements «pré-vus». Nous devrons donc tout d’abord envisager la question de savoir s’il est possible ou non d’agir sur les événements «à venir» entrevus par le biais de la précognition. S’il s’avérait que cela soit possible, l’avenir demeurerait incertain (en fait, la précognition n’offrirait alors qu’un outil d’anticipation de plus, déplaçant simplement la zone d’inconnu à l’égard de l’avenir puisque la modification d’un événement entraînerait de nouveaux événements jusque-là imprévisibles qui, s’ils étaient alors «pré-vus» et modifiés, entraîneraient à leur tour de nouvelles conséquences et ainsi de suite, à l’infini) et alors, chers amis, on pourrait enfin mettre un terme à tout ce verbiage, paf! Liquidé, le Destin. Mais sinon? Eh bien, sinon, on verra…

Si l’on doit envisager la possibilité de modifier des événements «à venir» perçus par le biais de la précognition, il importe de préciser, autant que possible, la nature de cette dernière. À cet effet, j’aimerais rappeler une hypothèse de travail utilisée lors de recherches sur les rêves prémonitoires et selon laquelle l’intensité de la charge émotive associée aux événements augmentait significativement la justesse précognitive des rêves du sujet. Sans qu’il soit possible, bien entendu, de confirmer hors de tout doute (il s’en faut de beaucoup) la validité de cette hypothèse et sans non plus entrer dans les détails des expériences réalisées, retenons néanmoins que les résultats obtenus en créant artificiellement une atmosphère affectivement stimulante convainquirent les expérimentateurs qu’une telle atmosphère améliorait effectivement les capacités de précognition du sujet. Si, en accord avec cette hypothèse, on reconnaît une telle importance à l’intensité des émotions suscitées par les événements «pré-vus», on reconnaîtra également la nécessité, pour qu’ils puissent induire de telles émotions, que ces événements soient réellement vécus. On voit donc difficilement comment ils pourraient être modifiés ou, plus invraisemblable encore, évités, puisque ce qui les rend «pré-visibles», c’est justement qu’ils sont déjà vécus de façon particulièrement marquante, mais non encore advenus (ici, la langue française ne nous permet pas d’exprimer au futur une équivalence de la forme «avoir été», une sorte de futur composé, qui conviendrait parfaitement à cette «mémoire inversée»). Mais, outre cette réserve d’ordre strictement logique, la parenté entre précognition et souvenir ouvre la voie à certaines suppositions fondées sur cette analogie qui ne nous semblent pas d’un moindre intérêt. Voyons ça de plus près…

Soulignons tout d’abord qu’il y a une différence très nette entre «pré-voir» et se transporter dans l’avenir, tout comme le souvenir ne nous ramène pas réellement en arrière. On doit garder clairement à l’esprit que les perceptions extrasensorielles, si elles existent, sont vraisemblablement, au même titre que toute perception, soumises à certaines limites de la conscience. Ce qui veut dire, entre autres, qu’on ne saurait les intégrer toutes de façon consciente, ni, évidemment, avoir présentes à l’esprit en même temps toutes celles accessibles à la conscience, incluant celles «mémorisées par avance» (le vocable approprié nous faisant défaut une fois de plus). Par ailleurs, nous sommes en droit de supposer que les «pré-visions», tout comme les souvenirs, sont susceptibles d’être refoulées dans l’inconscient lorsque leur nature trop perturbatrice pour la conscience l’exige. Et, toujours dans le même ordre d’idées, on peut aisément admettre que la faculté de précognition, aussi développée qu’elle puisse être, ne donnera jamais accès qu’à des événements partiels, fragmentés, déformés même et qu’elle ne saurait reproduire avec précision l’enchaînement complet de nombreux événements secondaires qui se sont combinés pour aboutir à l’événement marquant dont quelques bribes seulement seront susceptibles d’être «pré-vues». (Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer un souvenir même relativement récent pour se rendre compte à quel point en dehors de l’événement lui-même, tout ce qui l’entoure est flou et davantage déduit que véritablement mémorisé.) Tout ceci pour bien marquer que même une vision nette d’un événement «à venir» offrirait vraisemblablement peu d’éléments d’information susceptibles de permettre d’en modifier le cours (et ceci d’autant plus que l’événement sera lointain). À vrai dire, il semble beaucoup plus probable que le contexte même de l’événement (en proportion de son éloignement) céderait la place à la charge émotive qu’il contient (on se souvient plus facilement de paroles blessantes que des échanges qui les ont suscitées). Cette improbabilité que la précognition fournisse le moyen d’agir sur les événements «pré-vus», ajoutée à l’illogisme de cette supposition que nous relevions plus haut, semble confirmer l’immuabilité des événements «à venir» ou, tout au moins, ne nous permet plus d’éviter l’accablante question du Destin. Si je peux avoir conscience d’événements qui ne me sont pas encore arrivés sans rien pouvoir y changer, cela implique-t-il que mon avenir est tracé d’avance? (Troublante question qui, j’en ai bien peur, va me forcer cette fois encore à recourir aux vertus exaltantes de la caféine…)

(Merde, voilà que je peux pratiquement prendre mon pouls juste en observant le tressautement continu de mes lunettes!)

Puisque nous sommes maintenant poussés dans nos derniers retranchements et qu’il nous faut regarder en face l’effroyable Destin, eh bien, regardons-le, mais attentivement…

Nous avons tout au long de nos réflexions traîné cette idée que, peut-être, bien que nous n’en ayons pas encore conscience, notre vie se déroulait déjà «en réalité» de façon déterminée et irréversible. Mais, la véritable question ne se réduit-elle pas ici à établir à quelle réalité nous faisons précisément allusion? Pour ce faire, nous devrons à nouveau user du passé comme point de référence analogique (en empruntant toutefois une voie un brin plus tortueuse, il faut bien le dire).

Supposons que moi, maintenant, je considère la vie d’un homme actuellement mort, celle, par exemple, de Henry Miller. Je sais qu’au début de la quarantaine, il quittera l’Amérique pour vivre à Paris où il débutera sa carrière d’écrivain, qu’il ne connaîtra vraiment le succès qu’à la fin de sa vie, qu’il mourra à 89 ans, etc. Ceci est vrai de mon point de vue présent (enrichi de ma «connaissance» de son passé). Bien sûr, rien de ce que je sais maintenant lui être arrivé au cours de sa vie n’avait la moindre réalité pour Miller lui-même lorsque, âgé d’une vingtaine d’années, il se faisait chier à la boutique de tailleur de son père (même en supposant que quelques parcelles de son avenir aient pu lui apparaître lors de rêves prémonitoires, par exemple). Mais, puis-je affirmer que ce que je connais du passé des morts ou du mien était destiné à se produire simplement parce que je sais maintenant que les événements se sont effectivement déroulés de telle ou telle façon? Est-ce que je peux affirmer que bien qu’il n’en ait rien su à vingt ans, Miller devait «en réalité» écrire Tropique du Cancer vingt-trois ans plus tard?

S’il le «devait», ce n’est jamais que parce que je sais qu’il l’a fait. C’est donc la connaissance que j’en prends qui fixe définitivement le passé. Et d’ailleurs, si l’on y réfléchit bien, le passé, celui que je connais, est-il véritablement fixé de façon définitive? Ne suis-je pas susceptible d’apprendre de nouvelles choses sur mon passé ou celui des autres qui le préciseront davantage? N’arrive-t-il pas que l’on nous dévoile des aspects de notre passé qui nous étonnent, qui contredisent même nos souvenirs et, en partie, l’idée que nous nous faisions de nous-même à un certain âge? Si nous ne mettons pas en doute l’authenticité des informations qui nous sont alors fournies, n’est-on pas en droit d’affirmer que nous les utiliserons sans doute pour littéralement changer notre passé? On peut également penser, d’un point de vue plus large, à la mouvance perpétuelle de l’Histoire, les «faits» historiques se modifiant au gré des valeurs dominantes toujours fluctuantes (à tel point que le passé le plus lointain ne cesse de se préciser à mesure que l’avenir le «révèle»).

On le voit bien, le passé est d’abord un point de vue. Il n’est jamais définitif, mais simplement plus défini que l’avenir tout en l’étant moins que le présent. Le passé ne serait en somme que le point de vue du présent enrichi de la connaissance de ce qui le précède (avec tout ce que cette connaissance comporte de mouvance et d’approximation). Pas plus que l’avenir donc, le passé n’existerait «en réalité». Et, bien entendu, la précognition (considérée comme «mémoire inversée») ne saurait offrir rien de plus (ce qui, tout de même, serait déjà pas mal) que la possibilité d’un point de vue du présent enrichi de la «connaissance» de ce qui lui succède. Point de vue à partir duquel il serait, reconnaissons-le, passablement hasardeux de conclure à une quelconque prédestination (au moins autant, en tout cas, que de conclure que le passé était en quelque manière inéluctable).

Et donc heu… attendez un peu là… où est-ce que je voulais en venir avec tout ça déjà? Hum…on dirait bien que je me suis quelque peu égaré… Eh bien, en conclusion, je dirai que c’est bien joli de s’agiter le bocal à grands coups d’expressos et de dilettantisme philosophico-je-sais-pas-quoi, mais on ne doit pas pour autant perdre de vue que l’incertitude à l’égard de l’avenir est inversement proportionnelle au soin que l’on met à se sustenter suffisamment et en temps opportun; alors si ça vous dérange pas là, je vais m’abrutir de mastication, déglutition et broyages alimentaires divers parce que les abus de caféine et de cérébralesques divagations, finalement, ça creuse davantage l’estomac que les idées…

dimanche 17 août 2014

Ascenseur social : niveau 1


En ce bas monde, il faut botter des fesses pour avancer. C’est une loi. Quitte à devenir soi-même l’impérissable trace d’une semelle étampée dans une face de cul.

lundi 11 août 2014

Revenons à nos moutons

L’improbabilité de l’être grandit avec l’accroissement des masques de la certitude creusant l’abîme entre un réel d’autant plus rassurant qu’il est pauvre, ne renvoyant qu’à lui-même, et les vertiges d’une plénitude perpétuellement menacée de néant.

vendredi 8 août 2014

Ben non, ben non, c’est pas si dur que ça le français…

À toutes les Julie de notre Bô Kébec :

Aruspices atrabilaires, laudatrices d’entéléchie cacochyme, cénotaphes à colifichets, votre empyrée anacréontique, mithridatisme apagogique, palinodie de prosélytes décavées, galimafrée de sybarites melliflues, ça fait un osti d’boutte qu’on essaye de nous le passer.

Mais ça s’adonne que des pas fatigués d’être ce qu’ils sont, de parler cette langue unique qui les distingue, les définit, y en reste encore. Pis pour longtemps!

How much is this? Trop pour vous autres? Pas de problème. Passez votre chemin! D’autres exprimeront à votre place ce qui vous restera dans la gorge au moment où vous en aurez le plus besoin.

(Who the fuck cares about it anyway?)

samedi 2 août 2014

En cette lointaine époque où ma timidité prenait encore l’autobus…

Depuis un bon moment déjà, je lui lançais de rapides regards obliques, cherchant une quelconque observation susceptible d’amorcer la conversation. Chaque tentative était soumise à un sévère examen, anticipation analytique des multiples possibilités d’enchaînement. Ce petit manège eut pour conséquence prévisible de me confiner dans un mutisme empreint de sudation. Elle se leva bientôt pour être aussitôt remplacée par un lourdaud empestant l’alcool qui se considéra d’emblée comme responsable de mon embarras non encore dissipé. Il me toisa sournoisement pour ensuite me lancer avec son plus suave sourire : « Ch’te dérange-tu ti-gars? »

Un léger hochement de tête ayant suffi à éluder la question, je sombrai peu à peu dans une rêverie à peine perturbée par les soubresauts du poivrot qui somnolait déjà. Coincé entre le pochard et la fenêtre, je souriais à l’idée qu’une brève rupture dans le temps avait suffi à transformer l’objet d’une ultime aspiration en un amas inerte et puant, symbole grotesque du poids de la réalité…

samedi 26 juillet 2014

Quichottisme pictural

























Les peintres authentiques, les vrais acharnés, narrent sans fin leurs efforts incessants, leurs échecs constants, le gigantisme de leur tâche et ils ne le disent pas, ils ne le hurlent pas sans relâche en regard d’une autre peinture, mais en considération de l’inépuisable éclat du monde porté par une vision.

samedi 19 juillet 2014

Ermitage catastrophique

J’ai trouvé un coin tranquille
la réalité troublée
décomposée
en morceaux
sous la prostration des circonstances

J’ai trouvé un coin tranquille
je suis parti
me suis perdu
entendant la catastrophe
sous les phrases folles
musicales

J’ai trouvé un coin tranquille
un peu solennel et grinçant
sans vacarme pour s’esclaffer

dimanche 13 juillet 2014

Implosion

dans l’embrasure d’une communion d’éclipses
rencontre prophétique
des résistances
des obscurcissements inconscients
empruntent la relativité d’un problème éternel
par un arrêt discret des passions et des craintes
pour s’éteindre avec fracas
comme le présage scellé de la foudre et du feu

dimanche 6 juillet 2014

Les salades de l’érudition

Le Savoir est Tout. Des médicaments au fond d’une corbeille, le coussin d’un chat, du papier de soie, une pile de tissus, le moindre interstice de notre quotidien, le mouvement d’une fourmi, les lettres, les voix haut perchées, les traces d’un alunissage, le néant, l’existence, l’être, la signification du verbe tirer, le silence d’un wagon immobile, des mains pleines, une grimace, des ballons, une mère, un père, des péchés, une atmosphère, la poussière, la fragilité, un départ, une femme, un magicien, quelques années, le minimum de place, peu de chose, la gloire, une soirée, les faits. Le savoir est tout. Tout ce qui donne l’illusion de la consistance, la densité de l’esprit planté au cœur de la matière plantée au cœur de l’esprit.

samedi 28 juin 2014

Rumination embryonnaire



un salaud en herbe
ménageant ses effets
broute sans rancune
dans l’utérus d’une mère
assise de l’autre côté
de ses scrupules

samedi 21 juin 2014

une tiède obscurité qui s’écoule

Le vent bouscule les vieux rideaux dentelés, jaunis par l’usure. Je fixe ma feuille. Sans résultat. Rien qui ait la force d’émerger du fin fond de moi pour s’y inscrire, simplement, comme si rien n’était. Tout est. Et moi, je n’y suis pas.

Une toute petite tache, presque imperceptible, au centre de la page que je croyais blanche, m’aspire.

Je baigne en une tiède obscurité; la douceur décantée de la lumière… Je suis sans début ni fin. Sans faim; sans dessein. La fraîcheur du non-être me rend à ma juste dimension, le temps. Le temps qui s’écoule; mon sang.

D’abord infime, la tache s’étale. Du noir que je lui supposais, sans pourtant avoir vraiment pu le voir, elle passe, en devenant toujours plus visible, au rouge; un rouge chaud, vibrant.

Les rideaux claquent presque sous la poussée devenue rageuse du vent. Je fixe ma feuille. J’y suis inscrit. En fragments écarlates. Du revers de la main, j’essuie la goutte qui me pend au nez. Maintenant j’y suis. Sang, dessin. Ma main barbouillée du temps qui s’écoule…

vendredi 13 juin 2014

Mélopée du soir

les vieux arbres souvent le soir
murmurent un air ancien
et les vieux murs aussi
égrènent quelques notes

on voudrait agir
et on se tait



vendredi 6 juin 2014

Crépuscule

























l’heure qui sonne
sera celle dégagée
où les visages réverbères
suppliant le soleil
déteindront dans une rivière

samedi 31 mai 2014

Le reflet d’un cri





















le silencieux gémissement
l’appel échappé
corruption de l’indifférence envers autrui
ruine de sa sourde violence
l’obsédante servitude
au dogmatisme des miroirs

samedi 24 mai 2014

Soul Writing

Pour moi écrire, c’est comme l’impensable étreinte de deux gouttes de pluie investies d’une énergie qui les embraserait dès que l’herbe aurait fait sauter les fusibles. Ce que vous voudrez, rugissements aux jupes étroites, ventilateurs liquéfiés de néon, chiens brûlants à sept branches, serpent de Mercure à plumes, silencieuse sagesse de la conscience primordiale désaccordée au son de mon malheur cosmique… Visage de la bonté humaine aussi forte que l’esclavage, exil scintillant d’une terrible douceur, c’est mon pays, le beau fleuve, la Place des Miracles, la quête archaïque de la substance transformante, source de vie, réunification de l’individu avec la terre maternelle, renaissance perpétuelle du démon spirituel et numineux, le trésor difficile à atteindre, obscure prima materia, céleste nature de la vivifiante quintessence.

Je m’enfonce au creux des mots, forgeant le verbe, le rongeant par le centre, indifférent au chaos qui m’entoure, aux innombrables aberrations qui font le bon sens, le sens unique, sans retour en arrière possible, sans issue. Malgré la peur panique qui m’envahit, comme chacun, lorsque quelque chose en moi s’est abîmé, je n’ignore pas que seule la désintégration sans appel des figures trompeuses que prennent ce « Moi » à mes propres yeux mettra à jour l’inaltérable, l’éternel tapi au fond de mon être, comme en chacun.

dimanche 18 mai 2014

Avis aux soleils tape-à-l’œil

Et voilà bien aussi la vérité : on n’avance pas plus ses affaires qu’on ne les retarde à aller se coucher.

Sœren Kierkegaard (Riens philosophiques)


samedi 10 mai 2014

Le petit monument que j’érige fait soudain figure d’énormité

-1-

la nuit des sens
l’épuisement du rire
la tentation du sommeil

-2-

au carrefour 
une voix dure
manger
demain
vivre

-3-

m’a-t-il suffi de fermer les yeux
pour qu’aussitôt la glace et le miroir
cherchent leur accomplissement
dans la chaleur trouble
de ma lunaire
rêverie?



samedi 3 mai 2014

Résistance passive

ne pas faire ce qu’on vous interdit

réduit l’espérance de vie






(de l’interdit?)

samedi 26 avril 2014

Mon ermitage coloré

J’ai élu domicile au cœur de la montagne :
Sur la voie des oiseaux, il n’est plus trace humaine.
Qu’y a-t-il autour de mon jardin?
- De vagues rochers qu’embrassent les nues blanches.
Cela fait bien des ans que je vis en ces lieux
Et maintes fois j’ai vu l’hiver fondre en printemps.
Aux riches allez dire, et aux gens de la Cour,
Qu’un nom vide ne sert, pour sûr, à rien!

(Écrit sur un rocher, il y a de cela douze siècles, par Han-shan, poète et vagabond.)


Une timide lumière s’insinue dans mon salon pour atterrir sur un magma de couleurs que j’ai échappé sur une feuille.

La spontanéité, c’est l’accord fulgurant du geste et de l’idée.
Cette idée-là pour être livrée intacte ne doit pas être réfléchie.

                        La pureté seule du geste
                                    sans hésitation
                                    ni labeur
                        la révèle…

Le hasard lui, ne révèle que lui-même.

En fait, je n’échappe rien; c’est le résultat qui m’échappe.

   Je sonde l’inconnu à grands coups de traits
               de souffle
                           de couleurs
                                          de mots
sans garantie
sans certitude

                        qu’il en sortira quelque chose

samedi 19 avril 2014

Ravissement

...il ne s’agit pas tant de croire ou de ne pas croire


il s’agit d’être ou non EN CONTACT...

jeudi 17 avril 2014

Tite zique du jeudi soir

J’en ai déjà parlé ici, une des choses qui me fascinent en musique, c’est cette capacité des grands musiciens à intégrer la voix d’un autre, pour la porter ailleurs. (La musique se prête merveilleusement à cet exercice, mais le phénomène est évidemment présent dans tous les arts. C’est un peu l’antithèse du plagiat, où des incapables s’approprient la création d’un autre en cherchant pitoyablement à la faire passer pour leur, sans rien y ajouter, l’amenuisant plutôt, confirmation que leur insuffisance ne se situe pas tant au niveau créatif qu’à celui de la simple aptitude à saisir la valeur et le sens de ce qu’ils reproduisent bêtement.)

Tout ça pour dire que, tout à fait par hasard, je viens de tomber sur ce qui suit, qui me renverse une fois de plus. Me semble qu’il aurait tripé Coltrane, d’entendre ça (moi oui, en tout cas!) :







La Source :

samedi 12 avril 2014

BIPOLARITÉ




















Nous pourrons, par une manipulation discrète, être quittes des fruits du hasard.
Il nous suffira de confondre l’expérience sensible et l’isoloir offert à la conscience projetée dans le monde.

samedi 5 avril 2014

La fois où j’ai vu rouge

(Pastiche : un Québécois qui essaye d’écrire comme Djian à l’époque où ce dernier écrivait lui-même comme le traducteur de Bukowski…)
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On devait être un mardi. En tout cas, rien n’interdit de le supposer. Donc, mardi. Je m’étais levé un peu plus tard que d’habitude vu que la veille… Enfin, peu importe la veille, il était près d’une heure lorsque j’ai ouvert l’œil. Un seul. Je n’ai ouvert qu’un seul œil et tout de suite ça m’a fait mal. Un poignard à la lame rouillée qu’on me tortillait au-dessus du sourcil droit.

Je me suis traîné jusqu’à la salle de bain. Débâcle. Ça allait un peu mieux. J’étais trempé de sueur, pâle comme un linge, mais ça allait.

Le café me brûlait gentiment l’estomac et je me répétais : mardi, mardi, mardi, mardi, mardi, mardi… Merde! MARDI! Quelle heure peut-il bien être? Une heure trente-huit. Merde! J’avais rendez-vous à DIX HEURES TRENTE avec un type de l’assurance chômage. Meeeerde…

Retour aux cabinets.

On choisit précisément ce moment-là pour sonner à ma porte. Qu’il (ou elle) aille se faire foutre. Il (ou elle) insiste. Enculé(e)! J’expédie le boulot et me dirige, furibard, vers la porte, traînant à ma suite un de ces relents…

- QU’EST-CE QUE C’EST? (J’ai ouvert en hurlant. Deux policiers en uniformes se tiennent là, mentons arrogants pointés vers moi.)
- Vous êtes bien Jobidon Marcel, habitant au 8590 Mongrain?
- Non.
- Vous n’habitez pas ici?
- Oui
- Et bien, alors?
- Alors quoi?
- Vous êtes Jobidon Marcel!
- Bon. Et après?
- La dame qui habite en face a retrouvé son chien, ce matin, abattu d’un coup de batte de baseball. Elle affirme que vous avez fait le coup. Où étiez-vous entre onze heures hier soir et quatre heures ce matin, monsieur Jobidon?
- Est-ce que vous vous foutez de moi?
- Voulez-vous répondre à ma question je vous prie…
- D’accord, je vous réponds. Mais c’est bien parce qu… Peu importe pourquoi. J’étais chez moi, occupé à assassiner à petit feu une bouteille de whisky, et en quoi est-ce que ça vous regarde, je vous prie?
- Quelqu’un peut-il en témoigner?
- Ne comptez pas sur le whisky en tout cas… Bon. J’ai assez perdu de temps avec vos conneries. Allez faire joujou plus loin et laissez les grandes personnes tranquilles. (Et sur ce - vlan! - je claque la porte.)

Sonnerie. Resonnerie. Reresonnerie.

Conneries.

- Vous désirez quelque chose? (Susurrai-je.)
- Ne crois pas t’en tirer si facilement Jobidon. Je crois bien qu’on va suivre de près tes petites affaires…
- C’est ça. Ne vous gênez pas. Et si vous êtes amateurs de musique de chambre, vous pouvez toujours foutre des micros dans mes chiottes. Maintenant, bon vent!

Revlan! Pour de bon cette fois.

Cette foutue connasse… Un de ces quatre matins, c’est ses fausses dents que je vais lui faire valser à coups de pied au cul.

Je m’ouvre une bière, histoire de me calmer un peu. Qu’est-ce que je vais raconter à cet enfoiré du bureau de chômage?

Je me fume un pétard, histoire de me donner des idées. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir raconter au taré du bureau de chômage?

Une autre bière.

Un autre pétard.

Évanoui le mal de crâne…

J’étais là, me répétant inlassablement la même question. Pas la moindre idée. Rien.

Puis, sans transition, j’étais devant ma machine à écrire. J’écrivais. Un long poème où il était question d’un type, un psychothérapeute qui, à force de fixer des taches d’encre qui déclenchaient chez une patiente (une fillette d’à peine dix ans) de violentes crises d’épilepsie, était devenu lui-même complètement cinglé. En fait, il avait absorbé une bonne dose de LSD avant de sombrer dans la contemplation des taches qui avaient alors pris la forme d’une tête ensanglantée rattachée au… Merde! Le téléphone maintenant.

- OUAIS? (J’ai gueulé dans l’appareil.)
- Monsieur Marcel Jobidon?
- Soi-même ma poulette. Je peux vous être utile à quelque chose?
- (Toussotement.) Eh bien, vous pourriez, par exemple, m’expliquer le motif de votre absence à votre rendez-vous de ce matin avec monsieur Lacasse, du bureau d’assurance chômage.
- (Silence)
- Vous êtes toujours là monsieur Jobidon?
- Oui
- (Silence)
- (Silence)
- Désirez-vous que je répète ma question?
- Vous seriez gentille…
- Vous étiez censé rencontrer, ce matin à dix heures trente précises, monsieur Lacasse du bureau d’assurance chômage. Vous ne l’AVEZ PAS FAIT. Puis-je savoir POURQUOI?
- Vous ne me croiriez pas.
- Dites toujours.
- Et bien voilà. En me rendant ce matin à mon rendez-vous avec monsieur… monsieur…
- Lacasse.
- C’est ça, Lacasse. Eh bien, en me rendant à mon rendez-vous, je suis tombé (à quelques portes seulement du bureau) sur un type étendu par terre, recroquevillé sur les marches d’un perron. Les gens passaient, indifférents, s’imaginant que le type était saoul ou s’en foutant tout simplement. Mais au moment où je passais devant, il a laissé échapper un râle et…
- Monsieur Jobidon, vous devrez fournir une PREUVE du sérieux et de la gravité du motif de votre absence à ce rendez-vous. D’ici là, le versement de votre allocation sera interrompu.
- Mais écoutez, je ne connais même pas ce type qui…
- Je regrette monsieur Jobidon. Nous vous ferons parvenir un avis écrit de suspension du versement de votre allocation. Si vous désirez mettre fin à cette mesure, nous vous prions de faire la PREUVE du SÉRIEUX et de la GRAVITÉ du motif de votre absence. Au revoir, monsieur Jobidon.
- M…

Merde.

J’en oubliai la fin de mon poème.

Je me roule un dernier pétard avec un fond de sac poudreux et un reste de tabac sec. J’allume. Ça a un goût de chiffon sale trempé dans du beurre rance. Une bière. Il me faut ABSOLUMENT une bière pour faire passer le sale goût de cette poisse. Le frigo contient trois choses : un vieux camembert grisâtre et ratatiné, un reste de céleri mou et un tube d’onguent contre les hémorroïdes. Pas de bière.

Bon.

Je ramasse la monnaie qui traîne, vide mes tiroirs, fouille sous le lit, dans les poches de pantalons sales qui traînent ici et là. En ajoutant les bouteilles vides (j’en ai pour deux gros voyages), j’ai de quoi me payer deux packs de six et des chips.

Je dépose un premier voyage de bouteilles au dépanneur du coin et retourne aussitôt chercher le reste et la monnaie.

Mes clefs…

Sur la table. Avec la monnaie.

Si une seule fois dans ma vie, je devais voir rouge, ça aurait dû être celle-là.

Je suis retourné au dépanneur. J’en avais pour trois bières.

Bon.

Voilà. J’ai fait ce que j’ai pu. Pas moyen. Malgré cette journée merdique, malgré mes intentions et même le titre de cette histoire, je n’ai pas vu rouge. Je n’ai pas pu.

Désolé.

Ah oui! J’allais oublier. C’est à ce moment précis qu’une flotte à noyer un rat s’est mise à me dégringoler dessus.

Évidemment.

samedi 29 mars 2014

Le seuil délicat du silence

























Dans le silence de la nuit, mon souffle - par contraste - domine tout ce qui, endormi, pourrait le rompre en s’éveillant.

samedi 22 mars 2014

dissipation salutaire























une ombre se dissipait
et l’impression d’un espace nu et glacial
jeté au hasard d’impénétrables humeurs
sous mon pas nonchalant
m’envahit sans prévenir
alors même que je gagnais le fleuve éternel des sourires
à jamais bannis de visages devenus impassibles
à force de refus

(je ne cherche pas à justifier le parti que je pris alors)

je goûtai
dans toute sa pureté
l’inutilité des vérités
– telles une guêpe usurpant son rôle au cocher –
qui jusqu’alors n’avaient cessé
d’emboîter les uns dans les autres
mes pas fébriles et vains

dimanche 16 mars 2014

Grincer sous les rouages

























Emporté par la pulsation des touches, l’esprit se perd entre les mots.  Machinalement.  Du martèlement mécanique au murmure électronique, l’automatisme monte à la tête.

Gratter le papier
comme on creuse sa tombe
Tracer dans la fièvre
une musique qui se meurt
Refuser de grincer
sous les rouages
(même microscopiques et silencieux)

Les mots qui se dessinent ne nous échappent jamais tout à fait.

vendredi 14 mars 2014

Le siècle de la dictature atomisée?

Je suis tombé, un peu par hasard, sur un extrait vidéo de Maurice G. Dantec, où il présente son livre Satellite Sisters, présentation qu’il amorce en disant notamment ceci :

« …le fait de frôler à trois fois la mort en trois semaines, puis, on va dire, d’y échapper, m’a permis de prendre conscience que le monde était en train de se transformer à une vitesse assez dramatique, par laquelle ce que le XXe siècle avait connu comme psychologie de masse du fascisme, comme disait Wilhelm Reich, est en train de se transformer en une psychologie atomisée du narcissisme. Et que cette domination de la manipulation psychologique interindividuelle est en train de devenir l’idéologie dominante. Mais il n’y a plus d’idéologie. Donc, bizarrement, […] la pathologie se substitue directement au politique. Au XXe siècle, il y avait encore la possibilité, si vous voulez, à un psychopathe autrichien dont la moustache carrée évoquait Charlie Chaplin, d’embrasser un collectif, et de le faire basculer dans la folie. Là, c’est l’inverse qui se passe. C’est que les folies collectives ne pouvant plus exister, puisque nous vivons la mort du politique, elles se condensent chez les individus, qui deviennent des micro-dictateurs. Et qui agissent comme tel. »

Au-delà de toute controverse entourant cet auteur pour le moins déroutant, ça m’a comme qui dirait quelque peu secoué les neurones, alors je partage…

samedi 8 mars 2014

Bon allez, c’est pas tout ça, de gamberger à tout berzingue, un peu de poésie que Dioû!

Amis éclairés
l’esprit est le Bouddha.
L’erreur n’a pas de substance
pas plus que le triple monde;
il y a derrière l’esprit
une petite chaumière,
tigres et loups feutrent
de leurs pas la marche
immobile de la montagne;
se libérer de toute pensée
miroir qui rit du vide
réfléchi de la parfaite
pureté indifférenciée;
cinq étapes dans un cri
au gré des détresses paraboles;
qu’il atteigne l’illumination
ce monde si pressé
d’être pressant!

Pas le moindre soupçon
de destins uniques et complets
de spectres aux yeux prophétiques.
Mais bon quelque peine
que nous ayons à l’admettre
les objets demeureront
dans l’absence d’esprit
l’immense variété
de nos infirmités
dissoutes au contact
de l’intuition
s’illuminant elle-même.




samedi 1 mars 2014

TERMINUS

Chaque fois qu’il sortait dans la rue le soir, Grégoire Lupus était à la fois surpris et content de n’y rencontrer personne. Cela provoquait en lui un sentiment contradictoire et complexe. Le monde lui appartenait, mais il était vide. Les portes closes l’accusaient en silence de rôder, de refuser sa contribution à l’élaboration d’un monde meilleur où chacun aurait enfin droit au Bonheur. Peu à peu cependant, la contradiction était noyée par le flot de son petit discours personnel où il n’y avait pas davantage de place pour un bonheur à venir que pour une soumission aveugle en attendant.

Grégoire rêvassait. Il scrutait et il furetait. (…le frémissement des arbres entrecoupé parfois du ronronnement de pneus se frottant à l’asphalte…) Il parcourait en long et en large son triste royaume de rues désertes, y croisant parfois un autre fantôme souvent apeuré. Il s’arrêta dans un parc pour fumer, histoire de transformer les contours du néant. Puis, quand il fut rassasié de la douceur de l’air, que le sourire intérieur aiguisa sa curiosité d’observer quelques « vivants », il se dirigea vers le Terminus.

Le Terminus… haut-lieu de la puanteur… baraque croulante et crasseuse… immonde magma olfactif… suprême illustration de l’accueil alors réservé aux minables voyageant en autobus…

On y trouvait, outre les voyageurs en transit (aisément reconnaissables à leur façon de s’agiter sans arrêt), les réguliers, composés essentiellement d’homosexuels plus ou moins refoulés, d’ivrognes ramollis et de miséreux édentés discutant de la pluie-pis-du-beau-temps au comptoir d’un simili-resto en mâchouillant un hamburger dégoulinant de gras, sirotant un café-lavasse, fumant un mégot jauni ou se rongeant tout simplement les ongles. Grégoire installa sa détonnante jeunesse au beau milieu de ce joyeux ramassis d’épaves et se fit servir (histoire de prouver la sincérité de son désir d’intégration) un cheese-moutarde-bien-cuit qu’il avala aussitôt à grosses bouchées en se laissant envahir par le vacarme de la cuisine, des conversations, le grondement étouffé des autobus, l’appel des voyageurs… Il était là tout absorbé, l’œil vitreux, lorsque le cheese (qui était fort moutarde et bien peu cuit) montra les signes d’une inquiétante tendance à la remontée. S’ajoutait à ce fâcheux sentiment, la prise de conscience soudaine d’un insistant fumet, odieuse conjugaison de relents d’urine, de sueur, de friture et d’haleines fétides. Il sortit au plus sacrant.

Une fois dehors, il se dirigea vers le port avec l’espoir que le vent, en chassant les odeurs, mettrait un terme aux propensions ascensionnelles de l’ignoble hambourgeois. Il marcha au bord du fleuve, escorté par une file de hangars aussi ennuyants les uns que les autres, tous pareils, épais et inutiles. Quand il se sentit assez loin, assez seul, il s’adossa à un bollard, jambes pendantes au-dessus du fleuve sombre, d’un brun opaque peu invitant. Il restait là à fixer la lune dans le blanc de l’œil. (…même le fleuve dégueulasse avait du charme s’il le regardait là où la lune s’y couchait en mouvantes micassures…)

Pénétré de la force paisible du fleuve, Grégoire reprendrait d’un pas traînant son errance, désormais satisfait de n’y trouver que le vide.

samedi 22 février 2014

Être là (pour de vrai)

























D’abord arrêter d’agir comme si on n’agissait pas vraiment. Vous savez cette façon de faire les choses avec distance, comme si une part de nous devait se conformer à certaines exigences (des gestes à poser, des paroles à prononcer, des engagements à tenir…) tandis qu’une autre, n’y souscrivant pas, se contente de rester en retrait, d’observer d’un œil critique, attendant son heure.

L’ennuyeux, c’est que vient un temps (serait-ce la dernière heure) où cette part-là réalise que son heure n’est jamais venue. Ou plutôt si, elle est venue et passée.

Passée en retrait, à observer et à attendre…

samedi 8 février 2014

Journée d’été

Comme un grand cercueil balancé en pleine rue
Une journée d’été, douce, claire et chaude
Un chat en fer forgé qui se fait tuer
Par un enfant perdu dans la jungle de ses pensées

Le Christ à la bouche
Une caissière se penche
Le frôlant de sa hanche
À peine si elle le touche
Elle lui murmure, le geste en harmonie
Qu’elle sait bien ce que cache son regard gris
Elle lui sourit tout de même
Jésus t’aime
Et elle, elle sourit
Se moque doucement de lui

Dans la rumeur orange du boulevard tordu
L’haleine brûlante de l’été qui enfle sous la peau
Une chance grotesque ignorant toute croyance
À flanc d’immeubles désertés par l’enfance

samedi 1 février 2014

Mot d’ordre


IL S’AGIT DE VAINCRE L’INDIFFÉRENCE ET L’APATHIE PROFONDE…

Nous avons à réinventer les mythes
à redonner forme aux songes


…devant le péril des airs funèbres


brandissons la sonate
des étonnements infinis…